L’art pour relier les générations

Tempi – un mot qui évoque le temps, les mémoires, les racines. Cette exposition propose une approche sensible et humaine du territoire, à travers le regard de ses doyens.

Ces derniers sont mis en lumière — au sens propre comme au figuré — à travers une série de portraits photographiques et de projections lumineuses en extérieur, dans l’espace public. Ces portraits, ils ont été réalisés par Philippe Echaroux. Artiste de renom, amoureux de la Corse

Chaque visage projeté raconte une histoire, une mémoire, une transmission.
L’objectif est de tisser un lien entre les générations, de faire vivre l’émotion et la reconnaissance envers celles et ceux qui portent l’histoire vivante de notre région.
C’est aussi une manière de dire que le territoire n’est pas seulement un décor : c’est une communauté vivante, avec des visages, des souvenirs, mais aussi un territoire dynamique avec des projets  

Toussainte voit le jour le 12 mars 1931 dans la maison familiale du quartier Rocca Puddetra, avant que la rue ne soit baptisée du nom du résistant, Jean Nicoli. Cette maison, elle ne la quittera qu’à la cinquaintaine et y verra disparaître, l’un après l’autre, son père alors qu’elle n’a que 18 ans, puis sa mère à 38 ans. Pourtant, ce lieu reste dans le cœur de Toussainte un cocon de doux souvenirs… Avant-avant-dernière d’une fratrie de sept enfants, Toussainte échappe aux corvées de ses sœurs ainées qui doivent seconder leur maman, lui offrant le privilège d’une certaine légèreté du quotidien. De plus, lorsqu’à 11 ans, Toussainte, en raison d’une santé fragile, est obligée de quitter l’école, une directrice et maestra Thérèse Susini la prend sous son aile et l’embarque dans le monde de la lecture, autorisant l’évasion de l’esprit.

Et puis, il y a l’amitié… Force d’un lien qui lui est primordiale et rythme sa vie. De la cour d’école Joseph Pietri, enfin la façade avant, l’arrière étant réservé aux garçons, aux plaisantes sorties dans les rues de la ville, Toussainte apprécie chaque instant passé avec ses amis. Enfant, elle aime crapahuter dans son quartier, avec ses copines Ghita et Madeleine sur le rocher d’u signori, là où Jesus aurait fait une apparition et terrain de jeu des enfants d’ u Tafonu. Et puis, ce seront les longues balades jusqu’au quartier u Vaccaghju, derrière les Quatre Chemins, ou jusqu’a Marina, où se dessine un simple ponton, un bar en bord de mer où se réunissent les familles au 15 août, et les quatre cinq maisons de bois des familles Lovichi, Biancarelli ou encore Orsoni. Les ouvriers s’affairent entre l’abattoir et les usines à lièges de Quilici et d’Alessandri. A St Joseph, ce sont surtout des femmes qui y sont employées avec la fabrication des bouchons en liège, certaines arrivent même à pied de Ceccia.
Il y a aussi la belle maison de Mme Delsaut, épouse du médecin, que l’on appelle « le Château », et un peu plus loin, en s’avançant vers l’hôtel restaurant Les Roches Blanches, la plage de Portivechju et les Marais Salants, on découvre le dispensaire et son médecin venu des colonies, où à l’étage résident les familles Ettori et Maestrati. C’est ici que, luttant contre la malaria, les Porto-Vecchiais, privés de village de montagne où se réfugier en été, viennent recevoir leur traitement de quinine durant trois mois. Toussainte, elle, préfère la quinine blanche du pharmacien Simon Valli qui ne donne pas le teint jaune.

Cette Marine qui a vu aussi défiler les concerts de Joe Dassin, Michel Sardou, Serge Lama ou même Johnny Hallyday ! Ou encore la mise à l’eau du Luddareddu le 31 juillet marquant la fin des durs labeurs. Pour un peu de fraîcheur, Toussainte se rend avec ses amis à la plage, mais pas celle des Salines, non, celle de Georgeville, où trône le magnifique « château » des Savelli.

Le soir, c’est la rue Jean Jaurès avec le Jacky Bar et le cinéma l’Oriental qui devient le lieu animé de la ville. Le rituel de Toussainte, c’est de prendre son café de 21h au salon de thé Holzer, après la séance de cinéma de M. Biancarelli… Cette liberté-là, Toussainte se l’est offerte. Dès l’âge de 17 ans, elle travaille pour le mari de sa sœur Jeanne, Raphaël Papi, au dépôt de pains sur la place de l’Eglise et à la boulangerie rue Jean Jaurès, face au boucher Caraba. Quinze ans plus tard, elle est embauchée dans la boutique de vêtements et chaussures Alessandri, et se retrouve voisine de la boutique de son amie de toujours, Ghita…

L’amour ? Elle n’en a que faire, et malgré a sirinata qui vient se jouer quelques fois, au son agréable de la guitare, sous sa fenêtre, Toussainte préfère les ignorer… Son indépendance n’a que trop d’importance !
Toussainte a tracé sa vie avec discrétion, mais non sans caractère, dans les ruelles de sa ville chère à son cœur. Entourée d’amitiés sincères et portée par un esprit libre, elle a su faire de chaque jour un moment précieux de sa vie. À travers ses choix, c’est toute une époque qu’elle incarne, avec bienveillance, humilité et détermination.